vendredi 4 octobre 2013

Atelier d'écriture #1

Consigne : Utiliser l'une des citations poétiques proposées pour commencer un texte en prose romanesque.
Shakespeare, Le Conte d'hiver


-          « Es-tu certain que notre navire vient d’accoster aux déserts de Bohême ?
            Rose Dodwell  s’entendait poser cette question à Elliot à propos de ce qui l’entourait. Comment s’était-elle retrouvée là, au milieu de nulle part ? Son regard parcourait les paysages. Elle ne discernait pas très bien les formes, ni les couleurs. Elle ressentait comme un vertige face à cette immensité. La seule chose qu’elle savait, c’est qu’elle était, là, au pied du navire, sur un rivage, avec Elliot, un jeune valet qu’elle appréciait beaucoup. Le pilote avait disparu après avoir jeté l’ancre, et les passagers aussi d’ailleurs. Y en avait-il seulement eu ? Le jeune homme souriait. Son corps était terriblement loin. Miss Dodwell se retourna, le navire avait disparu. Elle était un petit point entre la mer, les vagues qui venaient en rouleaux mousseux contre ses pieds et le désert, le sable volant en grains avec le vent. Plus rien n’existait à part Elliot. Elle était seule avec lui, perdue.
            Ce lieu ne semblait pourtant pas réel. L’eau de mer entourait le désert. Le sable se mouvait sans cesse, comme pour accompagner le mouvement des vagues. Quelques arbres au loin, résistaient à la solitude. On entendait une musique jazz des années cinquante, comme un bruit sourd, presque inaudible. Rose avait envie de danser. Elle ferma les yeux pour s’imprégner de cet air qu’elle connaissait bien. En les ouvrant de nouveau, un Pub, une piste de danse et tout un quartier s’animaient sous ses yeux. Eliott était calme. Il lui prit la main, l’entraînant dans une danse endiablée. Etait-ce raisonnable qu’une jeune femme du monde badine avec un garçon dépourvu de rang social ? Elle se laissa faire et en oublia même le changement de décor et ce mouvement permanente. Elle tenait difficilement sur ses jambes. Son cœur palpitait, mais ce n’était pas cela. Le sol se dérobait sous ses pieds. Elle tomba, dégringola, et en l’espace d’un instant, elle était à nouveau dans le désert. Etait-ce cela donc la particularité mystérieuse des déserts de Bohême ?

            Les paysages changeaient régulièrement, à tel point qu’elle avait le mal de mer. Elle courait, tournait en rond, se jetait par terre, frappant de toutes ses forces avec ses petits poings blancs le sable. Aucune échappatoire. Un vague malaise. Eliott était de plus en plus lointain. Elle ne l’entendait plus, ne pouvait plus le toucher. Un mirage surement. Des ondes se dessinaient sous ses yeux, un vent chaud lui soufflait au visage, puis soudain, plus rien. Le vide. Miss Dodwell se réveilla, allongée dans sa couchette, un livre à la main. La mer était houleuse. Son père la faisait conduire aux Etats-Unis afin de la marier à un bon parti, un notaire paraît-il. Elle s’assit sur son lit et laissa couler ses larmes le long de ses joues. Elles avaient un goût amer et salé.


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